5.3 Jusqu’où pousser l’analyse?
La collecte de données dans le secteur humanitaire vise presque toujours à éclairer la conception et la mise en œuvre des programmes, même lorsque nous parlons de suivi et d’évaluation. La plupart du temps, l’analyse doit vraiment viser à soutenir la formulation de recommandations concernant la mise en œuvre de programmes.
Cependant, ce n’est pas toujours facile en raison des problèmes mentionnés ci-dessus ; les données doivent être fiables et les limitations de ces dernières et de vos préjugés doivent être pris en compte. Veuillez vous référer à la section 5.2 Comprendre les biais potentiels.
5.3.1 Différents niveaux d’analyse
Il est une chose qui doit être claire pour vous, c’est le niveau d’analyse que vous recherchez, car cela vous aidera à déterminer la « distance » que vous devez parcourir.
Pour plus d’informations sur les niveaux d’analyse, vous pouvez vous référer à la documentation ACAPS sur le sujet, consultez ce lien.
Gardez à l’esprit que la qualité des données que vous obtenez influence nécessairement le type d’analyse qui peut être fait, ainsi que la fiabilité de l’analyse. Il est donc essentiel de se concentrer sur la qualité des données grâce à la conception d’outils et au nettoyage des données pour tirer des conclusions à partir de ces dernières.
5.3.2. Comment obtenir des informations exploitables ? Connaître votre contexte
Connaître les différents niveaux d’analyse ne facilite pas le passage de la description à l’explication et à l’interprétation. (Laissons de côté l’anticipation pour le moment). Rappelons-le : mieux comprendre votre contexte vous aidera à passer de l’analyse descriptive à l’interprétation.
Il peut s’avérer intéressant pour vous de comparer vos résultats à ce que vous pensez devrait être la « norme ». La « norme » pourrait être fondée sur des standards, telles que les normes fondamentales humanitaires ou toute norme applicable dans le pays.
Dans l’étude de cas, par exemple, nous pourrions comparer le pourcentage de personnes ayant une source d’eau améliorée à la moyenne nationale, qui est une statistique nationale commune et disponible (‘Population utilisant des sources d’eau potable améliorées (%)’). Dans notre échantillon, nous constatons qu’environ 2/3 des personnes interrogées ont accès à une source d’eau potable améliorée. Est-ce que cela diffère significativement de la moyenne nationale ou régionale du pays ?
Vous pouvez également remettre en question ou tenter d’expliquer tout résultat qui confirmerait ou infirmerait vos hypothèses. Par exemple, dans notre étude de cas nous voulions analyser si les différents seuils du SCA (“médiocre”, “limite” et “acceptable”) étaient liés au fait que les ménages recevaient ou non une aide alimentaire. Notre hypothèse était que les ménages ayant reçu une aide alimentaire auraient des scores de SCA plus élevés (comme indiqué ci-dessous).
Étiquettes des lignes | ACCEPTABLE | LIMITE | MÉDIOCRE |
---|---|---|---|
Le ménage reçoit une aide | 0.00% | 48.65% | 51.35% |
Le ménage ne reçoit pas d’aide | 85.45% | 5.45% | 9.09% |
Total général | 51.09% | 22.83% | 26.09% |
Cependant, nos résultats montrent qu’en fait, nos hypothèses étaient inexactes, et c’est là qu’intervient le principe de “connaissance du contexte”. Les résultats du SCA sont nettement moins bons pour les ménages ayant reçu une aide alimentaire, comme le montre le pourcentage plus élevé de ménages dans les catégories “médiocre” et “limite”.
Bien que semblant illogique au premier abord, ce résultat pourrait également indiquer un ciblage efficace de l’aide alimentaire sur les ménages qui ont le plus besoin d’aide humanitaire. En outre, ce résultat pourrait indiquer que la dernière aide alimentaire a été fournie il y a longtemps (plus longtemps que la durée prévue de l’aide alimentaire).
Soyez toutefois prudent avec cette approche, les normes peuvent également être remises en question car elles pourraient par exemple résulter d’une préanalyse biaisée, ou il pourrait y avoir une situation spécifique au contexte en ce qui concerne le sujet/domaine d’intérêt dans lequel les données ont été recueillies.
Pour tenir compte de ce problème, il existe un certain nombre de choses que vous pouvez faire pour mieux comprendre le contexte :
- Un examen des données secondaires est une condition préalable obligatoire de l’analyse et est même nécessaire pour vous aider à rédiger les questions de votre enquête.
- Les données de base, de fond ou comparatives (par exemple, un recensement ou une enquête de population), recueillies par le ou les gouvernements ou les organismes de recherche.
- Les informations contextuelles (par exemple, une étude actualisée sur les moyens de subsistance), menées par des acteurs externes. Dans le secteur humanitaire, vous pouvez vous appuyer sur les données fournies par les clusters ou sur les principaux acteurs de chaque région.
- Les leçons tirées des exercices précédents de collecte de données, ou d’une analyse précédente effectuée par votre organisation.
- Les données publiques pertinentes partagées dans l’ensemble de la communauté (par exemple, les données disponibles sur HDX).
- Montrez vos résultats à la population cible pour comprendre ce qu’elle a à dire sur le sujet, cela pourrait vraiment enrichir votre analyse et vous aider à comprendre les parties qui ne sont pas claires pour vous dans les résultats.
- Par exemple, il est possible d’organiser des discussions de type focus group autour de vos résultats, qui peuvent également être utilisés comme données qualitatives autour des éléments peu clairs de l’analyse quantitative.
- Si vous n’êtes pas un expert vous-même dans le domaine qui est étudié, assurez-vous d’impliquer vos collègues qui le sont. Par exemple, si vous êtes responsable S&E, les responsables sectoriels ou le référent doivent être impliqués dans l’interprétation des données, en ayant les connaissances et l’expérience nécessaires pour rédiger des recommandations en discutant des résultats.
- Passez toujours en revue les questionnaires (traductions comprises !) ainsi que les résultats avec les enquêteurs. Y a-t-il eu des questions qui n’étaient pas claires pour eux ou pour les répondants, donnant lieu à la possibilité d’un biais ? Une fois que toutes les parties ont compris ces questions, y a-t-il des façons plus appropriées au niveau culturel de poser la question pour vraiment comprendre les liens présents dans nos questions de recherche ?