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Boîte à outils gestion responsable de données

5.3 Le consentement


TABLE DES MATIÈRES


Cette section est complémentaire à celle sur la base légale de collecte dans le secteur humanitaire au sein du pilier réglementaire, qui aborde l’aspect légal du sujet (Sous-section 3.1 - Décryptage du RGPD). C’est la dimension pratique et terrain du consentement qui est présentée ici. Vous trouverez plus d’informations sur ce à quoi correspond le consentement dans la sous-section Glossaire et définitions.

À retenir

Le consentement est une pratique longtemps généralisée qui est aujourd’hui remise en question, étant donne que les conditions pour son obtention – s’appuyant sur un réel choix informe, sans déséquilibre dans la relation avec les populations- sont rarement réunies dans les contextes d’intervention des ONG.

Il semble donc plus respectueux des populations concernées de maintenir le consentement comme base légale uniquement pour les situations ou des données particulièrement a risque sont collectées.

Cela implique néanmoins de mettre en place pour toutes les autres collectes des mécanismes de gestion responsable des données plus pousses que ce qui aurait été envisagé avec l’obtention du consentement.

Le consentement est la pratique en gestion responsable de données qui est la plus remise en question aujourd’hui. Bien que semblant une évidence sur le principe pour justifier une collecte de données personnelles, son obtention (si l’on considère que c’est un consentement informé et éclairé qui est donné) est en fait très difficile dans le secteur de la solidarité internationale (voir « Le consentement : une base légale sur-utilisée ? » pour mieux comprendre la question des bases légales de collecte et du côté souvent inapproprié du consentement).

Comme le dit si bien The Engine Room, ONG qui aide à une utilisation plus responsable de la technologie dans le secteur de la justice sociale et qui aborde fréquemment le sujet par le biais de la communauté « responsible data», «Le fait qu’une personne ait signé un formulaire signifie-t-il qu’elle comprend vraiment tout ce qu’elle accepte ? « Et, au delà, « Comment pouvons-nous réimaginer le consentement éclairé d’une manière qui respecte la dignité et les droits des communautés que nous servons ? « , « Et si nous allons au-delà du consentement, à quoi ressemblerait une approche de la collecte de données respectueuse des droits ? » (Source : Unpacking informed consent, ressource disponible seulement en anglais). Le sujet soulève plus de questions qu’il n’y répond, mais nous allons chercher à vous aider en pratique à ce sujet.

Rappelons juste qu’il est approprié si la personne a un choix réel et un contrôle concret sur la manière dont ses données seront utilisées.

5.3.1 Questions directrices

Voici un déroulé de questions que vous pouvez vous poser pour vous guider dans votre choix :

i. Le consentement est-il la base légale à utiliser dans votre cas ?

Afin de répondre à cette première question, vous pouvez vous référez à la sous-section sur les outils pour vous aider à déterminer la base légale la plus appropriée.

ii. Si oui, comment obtenir le consentement dans de bonnes conditions ?

Tout d’abord, les conditions pour obtenir un consentement éclairé, c’est-à-dire que celui-ci soit explicite et non équivoque, doivent être réunies et montrer une « démarche active » (source : CNIL). Cela signifie qu’il doit être libre de toute contrainte pour être valable. Or, dans le secteur humanitaire, les personnes concernées sont souvent dans une situation de vulnérabilité, pouvant les placer dans un rapport de dépendance avec les organisations, et donc dans une situation – réelle ou imaginée- de ne pouvoir refuser la collecte envisagée.

Par exemple, cela peut être due à un élément extérieur, comme suite à une catastrophe naturelle ou dans un conflit armé ; liée à la situation de la personne : niveau d’alphabétisation, langue étrangère, appartenance à une minorité.

De plus, le consentement éclairé est un concept européen, issu et adapté pour des sociétés où les personnes ont les capacités de décider pour elles-mêmes, ce qui n’est pas nécessairement le cas des communautés avec lesquelles travaillent les organisations.

Le recueil et la validité du consentement dans ces circonstances semblent être un exercice difficile. Le risque étant que le consentement ne soit pas sincère et que cela biaise la relation de confiance.

Par ailleurs, lorsque le consentement est utilisé comme base légale à la collecte de données, les organisations ont l’obligation de documenter et conserver le consentement recueilli, afin de s’assurer qu’il a bien été pris en compte, d’avoir une traçabilité et pouvoir répondre aux possibles demandes des personnes.

Des éléments supplémentaires de réflexion sur le consentement éclairés sont disponibles dans le webinaire sur le consentement éclairé « How can you truly manage informed consent in practise ? » (disponible en anglais) réalisé dans le cadre du GeOnG 2022.

Pour paraphraser le CICR en quelques lignes (section 3.2 du Handbook du CICR sur la protection des données), il faut également prévoir qu’il :

  • Soit sans ambiguïté,
  • Soit collecté au plus près du moment de la collecte,
  • Prenne en compte le degré de vulnérabilité de l’individu dans sa prise de décision,
  • Soit informé (que les explications le soient dans un langage simple, sans jargon, permettant d’apprécier et de comprendre pleinement les circonstances, les risques et les avantages du traitement de données),
  • Soit documenté.

À cela peut être rajouté quelques points qui en découlent (Source : ACF/HI) :

  • d’identifier toutes les contraintes de terrain liées à l’organisation, au contexte d’intervention, de l’accès à la population affectée (éloignement géographie, zone inaccessible, langue étrangère, possibilité de traduction, utilisation de concepts, présence d’une technologie, etc) à la situation personnelle (âge avancé, enfant, situation de handicap, appartenance à une minorité, etc) afin de déterminer si le consentement peut-être recueilli,
  • de décrire les modalités de recueil du consentement (par écrit, à l’oral) et disposer de modèle de consentement,
  • de disposer de procédures/guidelines pour recueillir le consentement,
  • de former ses équipes à la notion de consentement éclairé ,
  • de traduire dans la langue locale les informations nécessaires au consentement.
  • ATTENTION:
    • la charge de la preuve du consentement de la personne, dont la donnée est recueillie, est au/à la responsable de la diffusion: il est conseillé de documenter le recueil du consentement afin d’informer les personnes sur leurs données (si par exemple, un objectif de d’utilisation secondaire s’ajoute au traitement initial de leurs données) et de garder une traçabilité,
    • si les conditions pour s’assurer que le consentement est bien un réel choix de la personne concernée ne sont pas réunies, il est conseillé de ne pas le recueillir et de choisir une autre base légale.

iii. Si non, que devez-vous quand même faire ?

Comme mentionné dans la section 3.2 du Handbook du CICR sur la protection des données- la référence sur le sujet- « l’obtention du consentement n’est pas la même chose que la fourniture d’informations sur le traitement des données. En d’autres termes, même lorsqu’il n’est pas possible de recourir au consentement, les exigences en matière d’information s’appliquent toujours, « telles de fournir des informations sur les] droits d’opposition, d’effacement, d’accès et de rectification ».

Oxfam a développé une politique sur l’utilisation des données biométriques en 2021 (seulement disponible en anglais), dans laquelle il précise qu’en absence de consentement, il est nécessaire d’« exprimer clairement nos jugements et nos choix, contextualiser la manière dont les données seront utilisées et assumer la responsabilité de nos choix ».

Enfin, il est important de distinguer le consentement à la collecte et l’utilisation des données personnelles des populations, le consentement à l’intervention, qui lui reste un impératif de l’éthique humanitaire.

5.3.2 Le cas spécifique du consentement des enfants

La responsabilité d’informer les personnes concernées sur le contexte et les raisons du recueil de leurs données personnelles peut s’avérer un exercice complexe lorsqu’il s’agit d’enfant. Tout d’abord, la compréhension du message peut varier selon son âge, son degré de maturité, son état de santé physique et psychologique.

C’est pourquoi les personnes responsables (ou tutrices) des enfants doivent donner leur consentement additionnel à celui de l’enfant. Face à des enfants non accompagné·es, il est essentiel d’analyser au mieux s’il est de son intérêt de faire confiance aux adultes l’entourant. Les mineurs non accompagné·es sont en effet particulièrement exposé.es à l’exploitation sexuelle, au trafic d’êtres humains, au travail forcé ou à d’autres formes d’abus.

Voici un exemple de bonnes pratiques pour obtenir le consentement d’un·e enfant, issu du Guide de bonnes pratiques Tdh :

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